"Le Sénégal prend de nouvelles initiatives pour relancer son tourisme", tel est le titre d'un article publié sur seneweb.com le dimanche 15 septembre 2024, présentant les mesures annoncées par M. Adama NDIAYE, Directeur Général de l'Agence Sénégalaise de Promotion Touristique (ASPT). Ces initiatives, comprenant la digitalisation des supports promotionnels, l'organisation d'événements internationaux et la création d'une Maison du Tourisme, visent à relancer le secteur touristique sénégalais. Cependant, elles ne semblent pas répondre aux problèmes structurels majeurs qui freinent le développement du secteur.

Cette analyse examinera la pertinence de ces initiatives face à cinq défis cruciaux : l'insalubrité et la gestion des déchets, la cherté de la destination, l'insécurité et le harcèlement des touristes, l'érosion côtière qui menace directement l'attrait de nombreuses destinations balnéaires du pays, ainsi que la qualité des services touristiques. Pour chaque défi, nous évaluerons les lacunes des initiatives actuelles et proposerons des pistes d'amélioration.

Nous soulignerons l'importance de résoudre ces problèmes fondamentaux. Car sans cela, toute stratégie touristique, aussi innovante soit-elle, risque d'échouer face aux défis structurels persistants du tourisme sénégalais.

✔ 1. Insalubrité et gestion des déchets

Les initiatives de l’ASPT ne semblent pas aborder directement la question de l'insalubrité, pourtant un problème critique du tourisme sénégalais. Les rues, les sites touristiques et les plages sont envahis par des ordures, notamment plastiques, dégradant l'expérience des touristes. Bien que la digitalisation et la création d'une Maison du Tourisme soient des actions positives, leur impact sera limité tant que l'insalubrité persiste pour plusieurs raisons :

Décalage entre l'image promue et la réalité

La digitalisation des supports promotionnels vise à présenter une image attrayante du Sénégal. Cependant, si les touristes constatent des rues, des sites touristiques et des plages jonchés de déchets, cela créera un fort contraste avec l'image idyllique présentée en ligne, provoquant une déception et des avis négatifs.

Expérience touristique dégradée

Même avec une excellente plateforme numérique et une Maison du Tourisme bien conçue, l'expérience réelle du visiteur sera fortement impactée par l'insalubrité. Les touristes ne pourront pas pleinement profiter des attractions si l'environnement est sale et peu hygiénique.

Problèmes de santé

L'insalubrité pose des risques sanitaires réels pour les visiteurs, ce qu'aucune promotion numérique ne peut compenser.

Impact sur la réputation à long terme

Les avis et retours d'expérience des touristes, souvent partagés en ligne, auront probablement plus de poids que la promotion officielle. Si ces avis mentionnent systématiquement le problème de propreté, cela nuira à long terme à la réputation de la destination, malgré les efforts de promotion. De plus, l'insalubrité affectera négativement le taux de retour des touristes. Les visiteurs déçus par l'état de propreté du pays seront moins enclins à revenir pour de futurs séjours, préférant explorer d'autres destinations. Cette baisse du taux de retour représente une perte significative pour l'industrie touristique, car les touristes fidélisés sont souvent les meilleurs ambassadeurs d'une destination et contribuent à une source stable de revenus. Ainsi, l'insalubrité ne compromet pas seulement l'image du Sénégal, mais aussi sa capacité à construire une base de visiteurs réguliers, essentielle pour un tourisme durable et prospère.

Investir dans la promotion numérique et des infrastructures comme la Maison du Tourisme sans résoudre le problème de l'insalubrité pourrait s'avérer inefficace. Une approche globale, impliquant une coordination entre le tourisme, l'environnement, l'infrastructure et l'éducation, serait plus adaptée pour relancer durablement le secteur..

✔ 2. Cherté de la destination et coût des billets d’avion

Les initiatives actuelles ne traitent pas directement la question du coût élevé des billets d'avion et des taxes aéroportuaires, parmi les plus élevées de la région. Cette barrière tarifaire réduit la compétitivité du Sénégal par rapport à des destinations comme le Cap-Vert, qui ont ajusté leur politique fiscale pour attirer davantage de compagnies aériennes low-cost.

Pour améliorer l'accessibilité financière de la destination, une réforme fiscale et une baisse des taxes aéroportuaires devraient accompagner les initiatives de promotion touristique. Cette approche pourrait augmenter l'attractivité du Sénégal et stimuler la fréquentation touristique.

✔ 3. Insécurité et harcèlement des touristes

L'initiative de digitalisation, bien qu'utile pour améliorer la visibilité et l'organisation du voyage, n'aborde pas le problème de l'insécurité et du harcèlement dans les zones touristiques. Les vols à l'arrachée, particulièrement signalés dans les stations balnéaires, ne sont que la pointe de l'iceberg d'un problème plus large. Dès leur arrivée à l'aéroport et tout au long de leur séjour, les touristes sont confrontés à un harcèlement constant de la part de mendiants, vendeurs ambulants, rabatteurs, et parfois même d'individus en uniforme. Cette atmosphère oppressante et inconfortable crée une perception négative immédiate, dissuadant les visiteurs de profiter pleinement de leur séjour. La faible couverture de la police touristique sur l'ensemble du territoire national aggrave cette situation, laissant de nombreuses zones touristiques sans protection adéquate. Cette présence limitée des forces de l'ordre spécialisées dans le tourisme réduit considérablement la capacité à répondre efficacement aux problèmes de sécurité et de harcèlement auxquels les visiteurs sont confrontés. Ces expériences négatives ont un impact durable, non seulement sur la satisfaction immédiate des visiteurs, mais aussi sur leur propension à revenir ou à recommander le Sénégal comme destination, compromettant ainsi les efforts de promotion touristique à long terme.

Pour améliorer cette situation et renforcer l'efficacité des initiatives de promotion touristique, plusieurs mesures pourraient être envisagées. Tout d'abord, il serait crucial d'accroître la présence et les effectifs de la police touristique, en particulier dans les zones les plus fréquentées par les visiteurs, telles que les stations balnéaires et les sites culturels majeurs.

Des campagnes de sensibilisation ciblées seraient également essentielles pour améliorer l'environnement touristique. Elles devraient s'adresser principalement à la population locale, en mettant l'accent sur l'importance du tourisme pour l'économie nationale et en encourageant des comportements respectueux et accueillants envers les visiteurs.

Ces efforts viseraient à promouvoir une culture d'accueil positive et à sensibiliser la communauté aux avantages économiques que le tourisme peut apporter. En impliquant les habitants dans ces initiatives, on pourrait créer un environnement plus accueillant et moins oppressant pour les touristes, tout en intégrant les acteurs locaux dans le développement durable du secteur touristique.

L'établissement de zones touristiques réglementées, où le commerce ambulant et la mendicité seraient strictement encadrés, pourrait offrir aux visiteurs des espaces où ils se sentiraient plus en sécurité et moins harcelés. Ces mesures, combinées aux efforts de digitalisation et de promotion, permettraient de créer une expérience touristique plus positive et sécurisée, renforçant ainsi l'attractivité du Sénégal en tant que destination.

✔ 4. L'érosion côtière, une menace pour le tourisme balnéaire

L'érosion côtière, exacerbée par la montée des eaux, constitue une urgence écologique majeure pour le Sénégal. Ce phénomène menace non seulement les infrastructures côtières, mais aussi l'industrie touristique, essentielle à l'économie du pays. La disparition progressive des plages, symboles de détente et de loisirs pour les touristes, entraîne une baisse inquiétante de la fréquentation dans les zones touchées. Cette dégradation du littoral compromet sérieusement les efforts de promotion de la destination Sénégal, réduisant l'attrait de ses côtes autrefois prisées et affectant son image de paradis balnéaire. La situation est particulièrement alarmante dans des régions comme Saint-Louis, la Petite-Côte, les îles du Saloum et la Casamance, où le tourisme constitue un pilier économique.

Le Sénégal doit faire de la lutte contre l'érosion côtière une priorité nationale pour préserver son potentiel touristique. Cette stratégie devrait inclure la mise en place de solutions d'ingénierie écologique pour protéger les côtes, ainsi que des programmes de restauration des écosystèmes côtiers, notamment les mangroves, les forêts de cocotiers et de filaos, qui jouent un rôle crucial dans la protection naturelle contre l'érosion. Parallèlement, le pays bénéficierait du développement d'un tourisme durable et écologique, contribuant à la conservation des zones côtières tout en offrant des alternatives économiques viables. Des campagnes de sensibilisation auprès des acteurs locaux et des touristes sur l'importance de la préservation des écosystèmes côtiers viendraient compléter ces efforts. En abordant de manière proactive la question de l'érosion côtière, le Sénégal pourrait non seulement préserver ses atouts naturels, mais aussi se positionner comme un leader du tourisme écologique et responsable en Afrique de l'Ouest.

✔ 5. Expérience utilisateur et qualité des services touristiques

L'initiative "Sénégal en un clic" représente une avancée pour améliorer l'expérience utilisateur en facilitant l'accès à l'information sur les circuits, les événements et les hébergements. Cette plateforme numérique offre aux touristes potentiels un moyen pratique de découvrir la richesse de l'offre touristique sénégalaise et de planifier leur séjour. Cependant, la réussite de cette initiative dépend largement de la qualité réelle des services et des structures d'accueil sur place.

Un défi majeur pour le tourisme sénégalais réside dans le décalage fréquemment observé entre les prix élevés et la qualité des prestations offertes. De nombreux touristes expriment leur insatisfaction quant au rapport qualité-prix des hébergements, des restaurants et des activités proposées. Cette disparité est particulièrement frappante lorsqu'on compare le Sénégal à d'autres destinations concurrentes dans la région, où les touristes trouvent souvent un meilleur équilibre entre coût et qualité.

Pour remédier à cela, il est nécessaire d'investir dans la formation du personnel, la modernisation des infrastructures et la mise en place de standards de qualité rigoureux. Un système de certification pourrait également aider à aligner les prix sur la qualité, garantissant une meilleure expérience pour les visiteurs et renforçant la réputation du Sénégal en tant que destination.

Les initiatives annoncées par M. Adama NDIAYE et mises en avant par l'ASPT constituent certes des avancées pour le secteur touristique sénégalais, notamment en matière de digitalisation et de promotion internationale. Cependant, il est important de rappeler que certaines de ces démarches s'inscrivent dans la continuité d'efforts antérieurs, qui, jusqu'à présent, n'ont pas toujours donné les résultats escomptés. Pour que ces initiatives produisent des effets durables, elles doivent impérativement s'accompagner de mesures ciblant les défis structurels qui freinent l'attractivité du Sénégal en tant que destination touristique, à savoir l'insalubrité persistante, le coût élevé de la destination, l'insécurité, l'érosion côtière ainsi que la qualité insuffisante des services. Sans une approche globale et coordonnée pour répondre à ces problèmes de fond, les efforts de promotion, même les plus innovants, risquent de rester inefficaces.