L'annonce du Premier ministre Ousmane Sonko lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale, le 27 décembre 2024, concernant l'application du principe de réciprocité des visas, fait resurgir le spectre d'une mesure qui avait profondément affecté le tourisme sénégalais pendant près de deux ans. Si les contours de cette nouvelle politique restent encore à préciser, l'expérience passée résonne comme un avertissement pour un secteur touristique déjà en grande difficulté.
De juillet 2013 à mai 2015, l'instauration du visa biométrique payant pour entrer au Sénégal avait entraîné une chute vertigineuse du taux d'occupation, provoquant la fermeture de nombreuses structures d'accueil et à la mise au chômage de milliers d'employés. Cette mesure, abandonnée par le président Macky Sall qui l'avait qualifiée d'erreur stratégique, avait causé des pertes estimées à plus de 100 milliards de francs CFA pour le secteur touristique, alors que les recettes espérées des visas ne devaient atteindre que 5 milliards de francs CFA par an, faisant apparaître l'écart entre les ambitions initiales et les effets catastrophiques constatés.
Aujourd'hui, dans un contexte où le tourisme sénégalais est englué dans une morosité persistante, avec des taux de fréquentation des établissements touristiques, qu'il s'agisse des hôtels, des lodges, des campements ou d'autres infrastructures d'hébergement, oscillant entre 40% et 60% selon les régions, l'annonce d'un possible retour du visa suscite de vives inquiétudes chez les professionnels du secteur. Dans un environnement marqué par une concurrence régionale accrue, notamment du Maroc et du Cap-Vert, et face à des défis fondamentaux non résolus comme l'insalubrité, l'insécurité et la cherté de la destination, auxquels s'ajoutent des problématiques critiques telles que les limitations d'accessibilité, les contraintes de saisonnalité et les besoins de diversification, les menaces d'érosion côtière, les enjeux de durabilité et d'intégration locale, ainsi que les défis persistants de l'image et de la promotion, cette décision, si elle venait à être mise en œuvre, pourrait porter un nouveau coup fatal au secteur.
Ainsi, à la lumière de l'expérience désastreuse de 2013-2015, cette analyse examinera d'abord l'état actuel préoccupant du secteur touristique sénégalais et ses multiples défis structurels auxquels il est confronté. Elle reviendra ensuite sur l'expérience du visa biométrique entre 2013 et 2015, avant de se pencher en détail sur les conséquences économiques et organisationnelles. L'étude s'intéressera également aux circonstances ayant conduit à l'abandon de cette mesure en 2015 et aux enseignements qui en résultent, pour enfin évaluer les risques associés à un éventuel retour du visa, dans un contexte sectoriel particulièrement fragilisé.
I. Le tourisme sénégalais à bout de souffle, un secteur clé en chute libre
Le tourisme est l'un des piliers traditionnels de l'économie sénégalaise, contribuant de manière substantielle aux recettes en devises du pays et générant des milliers d'emplois directs et indirects. De la Petite-Côte à la Casamance, en passant par Saint-Louis, le delta du Saloum et le Sénégal oriental, le secteur a longtemps été un moteur de développement pour de nombreuses régions du pays. Pourtant, cette dynamique semble aujourd'hui connaître un ralentissement notable.
En effet, le tableau actuel du tourisme sénégalais est particulièrement sombre. Les chiffres récents révèlent une situation alarmante avec des taux de fréquentation qui varient entre 40 % et 60 % dans les principales zones touristiques du pays. Les établissements touristiques font face à une baisse drastique de leur clientèle, ce qui impacte gravement l'ensemble de la chaîne de valeur, des hôtels aux guides, en passant par les restaurateurs et les artisans.
Les défis structurels qui affaiblissent le secteur touristique sénégalais sont nombreux et profonds. L'insécurité croissante dans les stations balnéaires comme Saly et Cap Skirring décourage de nombreux visiteurs. La question de l'insalubrité reste entière, avec des déchets plastiques qui souillent les entrées et sorties des villes touristiques ainsi que les sites historiques et les plages. Par ailleurs, le phénomène de l'érosion côtière aggrave la situation, réduisant chaque année le littoral et menaçant directement les infrastructures touristiques en bord de mer. A cela s'ajoute une dégradation inquiétante du patrimoine naturel et historique. Le lac Rose, autrefois une attraction réputée, subit une transformation calamiteuse. Le désert de Lompoul perd son authenticité sous l'effet de l'exploitation minière. Des sites comme le parc du Niokolo-Koba et les mangroves du delta du Saloum se détériorent à un rythme alarmant. Même les lieux classés au patrimoine mondial de l'UNESCO, tels que l'île de Saint-Louis et l'île de Gorée, affichent un état avancé de délabrement. Les infrastructures routières, à l'image de l'axe Ziguinchor-Cap Skirring, demeurent dans un état critique, rendant certaines destinations difficilement accessibles, notamment pendant la saison des pluies. L'accès à l'île de Gorée, un site historique emblématique, se complique également en raison d'une unique chaloupe souvent défaillante, qui assure la liaison avec Dakar. Cette situation prive de nombreux touristes de cette excursion. Dans le delta du Saloum, la pénurie d'eau oblige certains hôtels à se ravitailler via des citernes ou en bidons de 10 litres pour répondre aux besoins de leur clientèle, illustrant les carences en services de base.
Venant amplifier ces difficultés, la compétitivité de la destination Sénégal est fortement affectée par le coût exorbitant des billets d'avion. Entre les taxes et redevances aéroportuaires élevées et divers frais, les tarifs fluctuent en cette période entre 1200 et 1700 euros, ce qui dissuade de nombreux touristes potentiels. Cette situation diffère de celle des pays comme le Maroc, qui a fait de la connectivité aérienne une priorité absolue de sa stratégie touristique, multipliant les partenariats avec des compagnies aériennes internationales. Cette approche a permis au royaume chérifien de proposer des tarifs attractifs et de bénéficier, rien qu'avec la compagnie low-cost Ryanair, de plus de 1000 vols hebdomadaires. Le Cap-Vert adopte une stratégie similaire. A cela s'ajoute un rapport qualité-prix des prestations touristiques qui reste insuffisant face aux destinations concurrentes.
La fermeture de plusieurs établissements de référence, tels que l’hôtel Club Aljana de Nianing, le domaine de Nianing, Savana Saly, Savana Coumba, l’hôtel Cabrousse et l’hôtel Espadon, avait déjà commencé à révéler certaines fragilités du secteur touristique sénégalais. Ces fermetures, bien avant que la situation actuelle ne devienne critique, témoignaient d’un déclin progressif qui, en l’absence d’actions rapides et décisives, pourrait encore s’aggraver.
II. Retour sur l'expérience du visa 2013-2015
En juillet 2013, sous la présidence de Macky Sall, le Sénégal prenait une décision qui allait profondément marquer son secteur touristique. Le gouvernement instaurait un système de visa biométrique obligatoire pour les étrangers entrant sur son territoire, une mesure qui s'inscrivait dans un contexte de tensions diplomatiques autour des questions migratoires.
L'Etat sénégalais justifiait alors cette décision par plusieurs arguments. Le premier, et le plus mis en avant, était le principe de réciprocité vis-à-vis des pays qui imposaient des visas aux ressortissants sénégalais, particulièrement ceux de l'espace Schengen. Le gouvernement entendait ainsi affirmer sa souveraineté et rééquilibrer les relations diplomatiques. Le deuxième argument concernait la sécurité, dans un contexte d'insécurité sous-régionale grandissante. Enfin, l'aspect financier n'était pas négligeable, l'Etat espérant générer des recettes importantes, estimées initialement à 5 milliards de francs CFA par an, pour moderniser les services de l'Administration territoriale et de la police nationale.
Le dispositif mis en place était conséquent. Le visa biométrique, fixé à 50 euros plus des frais de traitement variant de 2,5 à 5 euros, pouvait être délivré pour des séjours allant de 1 à 90 jours, avec des options d'entrées uniques ou multiples. Sa délivrance nécessitait la collecte de données biométriques, incluant les empreintes digitales et une photo du demandeur. Un réseau de treize pays disposant de postes diplomatiques et consulaires était mobilisé pour la délivrance des visas, complété par plusieurs points d'entrée sur le territoire sénégalais, notamment l'aéroport et le port de Dakar, l'aéroport de Cap Skirring, et les postes frontaliers de Rosso, Karang et Mpak.
Pour gérer ce nouveau système, une convention de concession avait été signée avec la société SNEDAI Sénégal. Cette entreprise était chargée de la production des visas biométriques, de la réalisation des investissements nécessaires et de la perception des frais de délivrance. La mise en œuvre de ce dispositif allait cependant rapidement révéler ses limites et ses contradictions avec les objectifs de développement touristique du pays.
Cette décision unilatérale, prise sans véritable concertation avec les acteurs du tourisme, allait se révéler particulièrement préjudiciable pour un secteur déjà mis à mal par la concurrence régionale et les défis structurels. La suite des événements allait démontrer que les gains espérés ne compenseraient pas les pertes économiques engendrées par cette mesure.
III. Un échec économique et organisationnel
L'instauration du visa biométrique en 2013 a rapidement provoqué un effondrement spectaculaire du secteur touristique sénégalais. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La fréquentation touristique a chuté de 30% dès les premiers mois de mise en place, tandis que les taux d'occupation des établissements hôteliers ont plongé, accusant des baisses comprises entre 30% et 80%. Cette dégringolade s'est traduite par une perte financière vertigineuse, estimée à plus de 100 milliards de francs CFA pour l'ensemble du secteur, et ce malgré l'exemption de visa accordée aux tour-opérateurs pendant la haute saison touristique dans une tentative désespérée de limiter la crise.
Les conséquences sociales ont été dévastatrices. Le secteur a enregistré la suppression de près de 2000 emplois directs, sans compter les emplois indirects dans les activités connexes comme l'artisanat, la restauration et le transport touristique. De nombreux établissements ont été contraints de mettre leur personnel au chômage technique. La diminution des salaires et des avantages sociaux des employés ayant conservé leur poste témoignait de la détresse d'un secteur en pleine déroute.
Sur le plan opérationnel, la mise en œuvre du visa s'est révélée chaotique. A l'aéroport, les files d'attente interminables sont devenues caractéristiques des dysfonctionnements du système, avec des temps d'attente dépassant régulièrement une heure pour l'obtention des visas. Les voyageurs, déjà éprouvés par leur vol, devaient patienter dans des conditions difficiles, particulièrement lors de l'arrivée simultanée de plusieurs avions. Cette situation générait frustration et mécontentement chez les visiteurs qui découvraient ainsi leur première image du Sénégal.
Les tentatives de modernisation du processus à travers la mise en place d'un système de pré-enregistrement en ligne n'ont pas apporté les améliorations attendues. Le portail électronique, qui devait simplifier les démarches, s'est révélé peu fiable avec des bugs récurrents et des problèmes de connexion. Dans les consulats sénégalais à l'étranger, la situation était tout aussi problématique. L'obtention du visa s'apparentait à un véritable parcours du combattant où les candidats devaient non seulement se déplacer physiquement pour l'enrôlement biométrique, mais aussi composer avec des horaires d'ouverture contraignants et des procédures administratives laborieuses. Le délai incompressible de 48 heures après l'enrôlement pénalisait particulièrement les voyageurs pressés par le temps, notamment les professionnels en déplacement d'affaires et les touristes ayant des programmes préétablis.
Le bilan financier de cette mesure est particulièrement révélateur de son échec. Alors que l'Etat espérait générer 5 milliards de francs CFA annuels, les recettes se sont avérées bien en deçà des attentes. Pour la seule période de juillet à décembre 2013, les consulats en France n'ont généré que 458 millions de francs CFA. Plus grave encore, l'Etat a dû débourser 12 milliards de francs CFA pour indemniser la société SNEDAI lors de l'abandon du dispositif en 2015, alors que celle-ci réclamait initialement 19 milliards.
L'impact psychologique sur les visiteurs a également été désastreux. De nombreux touristes habitués ont annulé leurs voyages malgré des billets d'avion déjà achetés. Le coût du visa, fixé à 50 euros par personne, soit 200 euros pour une famille avec deux enfants, s'ajoutait à une destination déjà considérée comme chère. Cette situation a particulièrement affecté les touristes français, clientèle traditionnelle du Sénégal, qui ont exprimé leur mécontentement face à ces nouvelles contraintes administratives et financières.
Les protestations des professionnels du tourisme traduisaient l'exaspération d'un secteur qui voyait ses acquis s'effondrer sous le poids d'une mesure mal préparée et inadaptée aux réalités économiques du pays. Les opérateurs touristiques, conscients des conséquences néfastes de cette décision, exprimaient publiquement leur désaccord face à une politique qui menaçait directement l'attractivité de la destination Sénégal. Cette mobilisation reflétait les inquiétudes profondes d'une industrie qui avait mis des années à se construire et qui se trouvait soudainement fragilisée par une décision unilatérale, prise sans véritable concertation avec les acteurs du terrain.
La contestation grandissante dans le secteur touristique révélait non seulement l'impact économique immédiat de la mesure, mais aussi ses répercussions à long terme sur l'image du pays. Les professionnels alertaient sur le risque de voir les touristes se détourner durablement vers des destinations concurrentes aux procédures d'entrée moins contraignantes, compromettant ainsi des années d'efforts pour faire du Sénégal une référence touristique en Afrique de l'Ouest.
IV. L'abandon du visa en 2015
Face à l'évidence d'un échec retentissant, le président Macky Sall a finalement pris la décision d'abroger le visa biométrique le 1er mai 2015. Cette annonce historique est intervenue lors de son discours à la nation, à la veille du 55e anniversaire de l'indépendance du pays. Dans une démarche inhabituelle pour un chef d'Etat, Macky Sall a publiquement reconnu l'erreur stratégique que constituait cette mesure, démontrant ainsi un courage politique salué par les acteurs du secteur touristique.
L'abandon du visa s'est accompagné d'un ensemble de mesures compensatoires visant à redynamiser le tourisme. Le gouvernement a notamment décidé de réduire de 50% la parafiscalité sur les billets d'avion, une décision destinée à rendre la destination plus accessible. Cette baisse significative des taxes aéroportuaires s'est conjuguée avec la suppression du droit de timbre sur les billets d'avion, marquant une volonté claire de l'Etat de restaurer l'attractivité du pays.
Cette décision s'inscrivait dans une stratégie plus large de relance du secteur touristique, considéré comme un pilier du Plan Sénégal Emergent. En abandonnant le visa, le gouvernement entendait également alléger les frais de voyage pour la diaspora sénégalaise, particulièrement les binationaux ne détenant pas de documents d'identité sénégalais en cours de validité, dont les séjours réguliers constituent une source importante de revenus pour le pays.
L'Etat a dû cependant assumer le coût financier de cet échec. L'indemnisation de la société SNEDAI, concessionnaire du système de visa, a représenté une charge conséquente pour les finances publiques. Mais ce sacrifice financier apparaissait nécessaire au regard des pertes considérables subies par le secteur touristique et l'économie nationale dans son ensemble.
La suppression du visa a été accueillie avec soulagement par l'ensemble des professionnels du tourisme. Cette mesure a permis d'éliminer les obstacles administratifs qui décourageaient les visiteurs et a contribué à restaurer l'image d'hospitalité du Sénégal, pays de la Teranga. Les opérateurs touristiques ont pu reprendre leurs activités sans la contrainte d'une procédure administrative qui s'était révélée particulièrement préjudiciable pour leur secteur.
Cette expérience malheureuse a démontré qu'une mesure administrative, même justifiée par des principes de réciprocité diplomatique, peut avoir des répercussions économiques et sociales disproportionnées lorsqu'elle n'est pas suffisamment étudiée et concertée avec les acteurs concernés. Cette observation s'étend également aux mesures compensatoires annoncées, notamment la baisse de la parafiscalité sur les billets d'avion qui, n'ayant jamais été appliquée, a souligné l'écart entre les intentions politiques et leur concrétisation effective.
Le retour du visa au Sénégal, un pari risqué dans un secteur fragilisé
L'annonce d'un possible retour du visa touristique au Sénégal en 2024 intervient dans un contexte particulièrement défavorable. Le secteur traverse déjà une crise profonde, avec des taux d'occupation historiquement bas qui stagnent entre 40% et 60% sur l'ensemble du territoire. Cette fragilité est d'autant plus délicate que la concurrence régionale s'est considérablement renforcée depuis la dernière expérience néfaste des visas en 2013-2015. Le Maroc se hisse maintenant pour la première fois au deuxième rang des destinations touristiques africaines, derrière l'Egypte, dépassant l'Afrique du Sud grâce à une vision stratégique misant sur la multiplication des liaisons aériennes internationales, une politique de prix compétitifs et la diversification de son offre touristique. Pendant ce temps, le Cap-Vert et la Gambie continuent d'attirer les visiteurs avec des politiques d'accès simplifiées et des services touristiques attractifs.
Face à cet environnement régional dynamique et concurrentiel, l'expérience passée constitue un avertissement qui ne peut être ignoré. La perte de plus de 100 milliards de francs CFA et de milliers d'emplois démontre sans ambiguïté les effets dévastateurs d'une politique de visa sur l'industrie touristique, alors même que cette mesure n'a jamais rapporté à l'Etat les 5 milliards de francs CFA annuels initialement prévus. Les conséquences risquent d'être encore plus graves aujourd'hui, amplifiées par le coût prohibitif des billets d'avion qui atteint des sommets. Les défis structurels s'accumulent, commençant par l'insécurité croissante dans les stations balnéaires, l'insalubrité persistante et les pénuries d'eau chroniques dans plusieurs zones touristiques. La compétitivité de la destination se trouve minée par un déséquilibre manifeste entre les tarifs pratiqués et la qualité des prestations offertes. Le manque de personnel qualifié et l'absence de standards professionnels fragilisent davantage le secteur, tout comme la forte concentration de l'activité sur quelques mois de l'année faute d'une offre suffisamment diversifiée. L'érosion côtière et la pression sur les ressources locales soulèvent par ailleurs de sérieuses questions sur la pérennité du modèle touristique actuel, pendant que la destination peine à construire et promouvoir une image attractive cohérente sur les marchés internationaux.
La sagesse commanderait plutôt d'adopter une approche globale et cohérente pour relancer le tourisme sénégalais. Si les partisans du visa mettent en avant la souveraineté nationale et le principe de réciprocité diplomatique, leur argumentaire pèse peu face aux réalités économiques du secteur. Et l'objectif financier qui découlera de cette mesure, aussi attractif puisse-t-il paraître, ne pourra jamais compenser les pertes massives qu'elle engendrera pour l'industrie touristique, comme l'a clairement démontré l'expérience désastreuse de 2013-2015.
Le véritable enjeu n'est donc pas d'affirmer une posture diplomatique, mais d'assurer la survie économique d'un secteur qui fait vivre des milliers de familles sénégalaises. La stratégie du Maroc est particulièrement révélatrice à cet égard. Malgré une économie plus robuste que celle du Sénégal, ce pays a délibérément choisi de ne pas appliquer la réciprocité des visas aux touristes européens, privilégiant plutôt le développement de son secteur touristique après avoir résolu ses défis fondamentaux. Avant d'ériger de nouvelles barrières administratives au nom d'une certaine vision de la souveraineté, il est impératif de résoudre les défis structurels du secteur et d'améliorer la compétitivité de la destination.
Sans ces préalables, une politique de réciprocité des visas risque non seulement d'échouer mais aussi d'accélérer le déclin d'un secteur vital pour l'économie nationale. Les touristes, déjà confrontés à des tarifs aériens prohibitifs et des services en-deçà des standards internationaux, se tourneront définitivement vers des destinations concurrentes plus accessibles et mieux équipées. Le coût social et économique d'une telle mesure serait exorbitant, avec des suppressions d'emplois dans le secteur touristique, des fermetures d'établissements hôteliers et de restaurants, une perte de revenus pour les guides, artisans et commerçants qui vivent du tourisme et une diminution des entrées de devises pour l’Etat.
Le bénéfice diplomatique, largement illusoire, ne saurait justifier un tel risque.
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